lundi 23 avril 2007

Mortification

Je ne sais toujours pas ce qui m'a pris.
J'ai essayé de me dépêtrer de mes pensées en faisant autre chose, puis j'ai pris le taureau par les cornes et j'ai cherché à analyser mes sentiments, pensant calmer ainsi la tempête. Mais rien n'y a fait, j'ai passé un dimanche affreux. A ruminer sans fin.

Parce que voilà, hier matin, j'ai fait l'IMMENSE erreur de dire au téléphone à ma soeur que j'allais me faire opérer.

C'était franchement surréaliste cette conversation. En fait, je n'en reviens pas, je crois.

On parlait de choses et d'autres, de sa santé, du shopping, de ses futures vacances, et soudain, je me décidai à lui dire (avec une petite appréhension, quand même, mais bon...) que je j'allais bientôt me faire opérer. Surprise au bout du fil ("Mais de quoi?"). Là, toute contente, je lui ai dit que j'allais me faire reconstruire le clitoris. Elle m'a demandé si je n'avais pas peur. Toute excitée par la conversation qui prenait forme, je lui ai expliqué que non, maintenant que j'étais informée et que j'avais rencontré le docteur Foldès en consultation, je n'avais plus peur.

Et c'est là que je n'ai plus rien compris.

Elle m'a dit "je suis sur le site de la marque Machin, là, sur Internet, c'est pas mal ce qu'ils font comme pantalons, je trouve."

!!!!!!

Hésitante, je lui ai raconté que c'est ma cousine qui a éveillé l'envie de me faire opérer. Et elle de me répondre "Moi aussi, je vais me renseigner, je crois" avant de changer totalement de sujet. Comme ça. Brutalement.

!!!!!!

J'ai halluciné. Franchement, ça m'a sidérée.

Je lui parlais de quelque chose d'important, d'inédit même et elle m'a opposé une indifférence incroyable.

Je me suis sentie mor-ti-fiée. Humiliée même. J'ai écourté la conversation mais c'était trop tard, le ver était dans le fruit et ma journée fichue. Mais pourquoi lui en ai-je parlé? Pourquoi? Si je m'étais tue, je n'aurais pas ce sentiment de profonde humiliation qui me colle aux basques depuis hier.

Alors d'accord, on n'est pas très proches à l'origine. D'accord, dimanche elle était un peu patraque. D'accord, elle a peut-être été prise au dépourvu. D'accord, elle avait ses raisons de réagir comme ça. D'accord, elle a toujours refusé de parler d'excision. D'accord, d'accord, d'accord. Je peux comprendre intellectuellement les mille possibilités que m'a avancées mon homme pour me consoler.

Mais quand même! La seule explication que je vois, là, moi, c'est que ma soeur se fiche royalement de ce qui peut m'arriver. Ca ne l'intéresse pas. Point barre.

Je m'en veux à mort d'avoir cru que je pouvais m'ouvrir à elle, d'avoir cru que les coups de fil rapprochés de ces derniers jours (on ne se parle pas beaucoup, ma soeur et moi, comme ça, on évite de s'engueuler) étaient la marque d'une intimité naissante entre nous.
J'ai cru que les choses changeaient, que la guerre était derrière nous et j'ai pris une grosse claque. Ca m'apprendra, tiens!

Et moi qui me torturais à l'idée de ne pas lui en parler et qu'elle l'apprenne par ma cousine! Pfff... J'étais complètement à côté de la plaque en fait.

Je me sens blessée, là. Et terriblement en colère. Encore aujourd'hui, j'en bous.

Elle ne m'a même pas demandé quand c'était, l'opération...

12 commentaires:

Anonyme a dit…

Bonjour,

Je ne vous connais pas ni l'une ni l'autre, je connais encore moins les relations qui vous unissent... mais peut-être (et c'est en tout cas ce qui m'est venu en lisant ton billet) que ta soeur s'est tout simplement sentie mal à l'aise par cette nouvelle qu'elle n'attendait vraisemblablement pas.

Toi tu es depuis quelques temps à fond dans ton merveilleux projet, mais paf! en une phrase tu y mèles qqun qui y est étrangère... Pour moi son attitude relève plus de la fuite que d'une quelconque indifférence... N'oublie pas que, comme tu l'expliques admirablement sur ce blog, tu as LONGUEMENT cheminé avant aujourd'hui... mais peut-être pas elle :((((

Je comprends que cela t'ait blessée et j'espère qu'une fois la nouvelle "digérée" ta soeur renouera le dialogue que tu attends...

papillon a dit…

Bonsoir et bienvenue Plastie & cie!
Tu vois, je crois que ce qui me mortifie, finalement, c'est de réaliser que j'attendais quelque chose d'elle, en fait. Un retour, des questions, de la curiosité, je ne sais pas vraiment au juste. Et j'étais à mille lieues de m'imaginer que sa réponse pourrait être l'évitement!
C'est vrai que j'ai cheminé par rapport à l'excision et elle peut-être pas, mais bon, c'est un peu difficile à avaler pour moi...

A. a dit…

Ou peut-être c'est un petit peu d'envie, jalousie? Peut-être elle regrette qu'elle n'ait pas fait quelque chose elle même.

papillon a dit…

Peut-être bien, A.
On n'est pas très éloignées en âge (2 ans) et je suis la plus jeune. Alors c'est très possible.
Tu sais, ça me soulagerait que ce soit plutôt de la jalousie qu'une indifférence totale à ma vie. En même temps, ça m'attriste un peu pour elle (parce qu'elle peut le faire, elle aussi, elle peut se faire opérer).

Claudecf a dit…

Je ne crois pas que ce soit de l'indifférence, je ne vous connais pas du tout, ni l'une ni l'autre, mais je suis de l'avis de plastie & cie. Laisse lui un peu de temps. Elle n'a pas eu le temps de s'habituer, la pauvre ;)
Toi, tu carbures là-dedans depuis des mois et tu as pris ta décision, tes rendez-vous, tu as réfléchi à des tas de choses, elle, probablement pas. Elle tombe des nues !
Mais c'est compréhensible que tu sois furieuse et que tu ressentes qu'elle évite le sujet qui te tient le plus à coeur depuis des semaines ou des mois.
Et c'est vrai qu'elle aurait au moins pu te demander la date.
Moi, je crois que vous en reparlerez, quand elle aura avalé la nouvelle ;)
Ce qui me vient aussi, c'est que tu attends beaucoup de ta mère et de ta soeur, que tu recherches leur approbation et qu'elles sont plutôt dans une stratégie d'évitement. Pas facile à vivre !
En relisant ta note, je remarque aussi que la première chose qu'elle t'ait dite, ça concernait la peur.
Donc, là, elle t'a donné son sentiment, elle, ça lui ferait peur. Pas facile à vivre pour elle non plus.
Et facile à dire pour moi, assise tranquillement chez moi, et qui n'ai jamais rien éprouvé de tout cela. :)

lalita a dit…

Dans notre enfance, mes soeurs et moi avions été violées par notre propre père.
Je l'ai toujours vécu un peu comme toi ton excision, un mal en dedans, un mal être que je cachais derrière une joie de vivre.....Mais je n'oubliais pas !
Plusieurs années plus tard, j'en parle à ma soeur ainée, (1 an de plus que moi) et elle me regarde surprise : "j'avais oublié !"
Tu imagines ma surprise !
Et bien je crois qu'elle a préféré gommer tout cela de sa mémoire, bien que je doute qu'on puisse oublier !
Ta soeur a peut-être réagi comme la mienne !
On met un mouchoir dessus et on fait comme si....
Moi je ne vois plus mes parents qui ne comprennent pas pourquoi, ma soeur a des relations tout à fait normales avec eux !
Je crois que chacune réagit à sa manière, même si parfois on a du mal à comprendre celle des autres !

Anonyme a dit…

Bonjour Papillon
Je suis une lectrice silencieuse de ton blog, mias aujourd'hui je sors de l'ombre parce que je suis triste de te sentir dans cet état. Moi aussi j'ai des rapports difficiles avec ma soeur. Face à une épreuve tu as 2 choix, soit tu refoules et enterres sous 3 couches de terre ce que tu as vécu, soit tu creuses, tu fouilles pour essayer de trouver la cause et de t'en libérer. Manifestement, vous n'avez pas la même stratégie... C'est ton attitude qui est la plus courageuse ! Ce n'est pas étonnant que cela destabilise ta soeur qui ne semble pas avoir la même force que toi pour s'en sortir!
D'après ce que tu nous a raconté de ta soeur et de son déni, je trouve déjà prodigieux qu'elle ait dit qu'elle allait se renseigner !
Papillon, j'ai moi-même fait une thérapie, et je crois qu'à un moment, il faut accepter d'avancer plus vite que ses proches, même si ce sont tes ainés. Qui sait, parfois on a des surprises et peut-être que petit à petit elle empruntera le chemin derrière toi? Mais pour l'instant c'est toi qui ouvre la marche...
courage papillon et comme le dit très justement un titre d'un film que j'ai aimé:
"ceux qui m'aiment prendront le train".

Anonyme a dit…

Bonjour,
Je ne vous connais pas non plus et c'est la première fois que je poste ici, mais à la lecture de votre entretien avec votre soeur, la première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est que le traumatisme avait été aussi grand pour votre soeur et que pour elle la seule façon de s'en sortir c'était d'oublier ou de faire croire que : "même pas mal". Pour certaine personne il est plus facil de s'en sortir "en oubliant" que d'affronter la réalité. Il ne faut pas être dur avec elle, ni avec votre mère parce que c'est quelque fois remettre en cause toute leur vie, tout ce qu'on leur a inculqué jusqu'a maintenant, toute leur culture. C'est dur mais le cheminement est différent pour chacun. Je suis sure que votre soeur n'est pas indifférente et qu'elle viendra en reparler.
Amicalement

Anonyme a dit…

Tu as bien fait de parler à ta soeur. Tu t'es sentie assez maîtresse du sujet pour en parler avec elle, tant mieux pour toi.

C'est positif.

De son côté, tu peux remarquer qu'elle ne t'a pas contrée. Elle t'a exprimée sa peur comme le signale claudecf, c'est-à-dire un sentiment intime.
Ensuite, mal à l'aise, elle a dévié vers quelque chose de plus léger mais elle a accepté de revenir sur l'excision, toujours sans s'opposer, note-le bien. Ensuite ta soeur a même parlé de se renseigner.

Tout cela est positif, tu vas t'en apercevoir dans un moment.

;o)

papillon a dit…

Bonjour et bienvenue à vous Claudecf, Rosalie et Caroline!
Salut Lalita et Lili!

Depuis hier soir, effectivement, je me dis qu'elle n'a pas pu être indifférente. Le sujet est trop grave et il la touche aussi de trop près pour qu'elle ne se sente pas du tout concernée par la question, même si là, je lui parlais de moi.

J’essaie maintenant d’aller au delà de la blessure que j'ai ressentie, de dépasser mon ressentiment et de considérer ce qui se passe pour elle.

Tu vois, Lalita, la différence de réaction entre ta sœur et toi face à ce drame que vous avez vécu petites me paraît très parlante. C’est vrai qu’on réagit tous et toutes à notre manière, même si elle paraît sidérante aux autres.

Alors comme vous me le dites pratiquement toutes, elle a peut-être bien choisi un autre chemin que le mien. Et je ne dois pas la juger pour ça. Sauf que c’est difficile.

Ce décalage entre elle et moi, je voudrais l’apprivoiser, l’accepter, comme tu le suggères, Rosalie. Parce que je crois bien que tant que je n’y arriverais pas, j’attendrai quelque chose de ma sœur et bien entendu, de ma mère. Je ne sais pas vraiment quoi. Claudecf, je ne suis pas sûre qu’il s’agisse d’approbation. J’espère juste un retour, une réaction. Une preuve d’avoir été entendue.

Lili, tu as raison, dans tout cela, j’ai perdu de vue le fait qu’il y a quand même des aspects positifs dans cette histoire:))

Mon homme est persuadé, comme Claudecf et Caroline, qu’elle va revenir vers moi et m’en reparler.

Tant mieux, parce que moi, on ne m’y reprendra plus avant un moment (chat échaudé craint l’eau froide).

PS: je voudrais te faire un gros bisou Lalita. Un énorme bisou, même...

Anonyme a dit…

Papillon,

Oui, tu as bien fait d'en parler. Et peut être que sa réaction est celle de quelqu'un chez qui ces nouvelles ont réveillé quelque chose de trop douloureux.

Alors, elle a changé de sujet. Pour quelque chose de plus léger. De moins douloureux. Pour se protéger.
Pour réagir après (on réagit comment, face à quelqu'un qui vont annonce ça? curiosité? Joie? Encouragement?)
Peut être que bientôt, elle te dira que suite à ton annonce, elle a réfléchit. Et va se faire aussi opérer. Et te poser des questions.

C'est normal que tu aies attendu quelque chose d'elle. Parceque tu es encore en phase de questionnement.

papillon a dit…

Bonjour Virginie!
C'est finalement ce qui me reste, après la colère et l'humiliation: l'idée que ce n'était pas une erreur de lui en parler. Au pire, elle ne m'en reparle jamais. Au mieux, ça fait bouger quelque chose à son niveau...