mercredi 17 octobre 2007

La fameuse affaire des fils

J’ai eu le fin mot de l’histoire.

Pendant des semaines, j’ai guetté la chute de mes fils. Tant qu’ils n’étaient pas tombés, je ne pouvais pas me considérer comme totalement guérie. Ces satanés fils étaient LE point noir de ma cicatrisation. Ils m’horripilaient. Et je guettais le jour où je me rendrais compte qu’ils étaient tombés.

Je les sentais m’entraver, je me demandais s’ils allaient se retrouver emprisonnés dans ma chair en reconstitution. Et j’avais la trouille quand même. Je ne pouvais pas les oublier, me dire « Oh et puis ce n’est pas grave s’ils sont toujours en place ». Je n’avais pas du tout envie de vivre avec des fils greffés sur le clitoris jusqu’à la fin de mes jours.

Je suis du genre à me faire du mouron, alors la semaine dernière, je suis retournée chez le docteur Foldès et j’ai eu le fin mot de l’histoire.

Il n’y avait plus de fils. Du tout. Depuis un bail.

Non, non, non, non, ce n'était pas possible ça. Je les ai sentis, enfin! Ils ne pouvaient pas être déjà tombés, voyons. C'était impossible!

Eh bien non, c’était vrai. Les fils étaient des fils résorbables. Ils ont donc « disparu » à peu près cinq semaines après l’intervention, soit vers la dernière semaine de juin.

J’étais bouche bée devant le docteur Foldès. Coite. Je n’en revenais vraiment pas. Comment ça, les fils s’étaient résorbés ? Comment ça, ils étaient résorbables ? D’où sortait cette nouvelle ? Mais alors, je n’avais rien compris du tout ?

C’était énorme. Pendant toutes ces semaines où je croyais sentir mes fils, où j’attendais de les voir pendouiller puis tomber par petits bouts, pendant toutes ces semaines d’inquiétudes et de frustration, il n’y avait pas de fil. Il n’y avait plus de fil.

Je me suis sentie bête sur l’instant. Toute gênée, j’ai répondu au docteur Foldès qu’alors cette consultation n’avait plus lieu d’être puisque je venais parce que j’étais inquiète de ne pas voir mes fils tomber.

Purée, j’aurais pu me contenter de l’appeler au téléphone. Mais non. J’avais fait tout le chemin depuis Paris un jeudi après-midi, partant comme une voleuse de mon travail à une heure indécente juste pour apprendre que ça faisait un bail que mes fils étaient tombés.
Non mais c’était quand même incroyable cette histoire !

Comment avais-je pu passer à côté de cette information capitale à propos des fils ? Comment avais-je pu ne pas comprendre ça ?

Les hypothèses n’étaient pas nombreuses. Soit le docteur Foldès ne m’en avais jamais parlé (mais bon, j’en doutais fort et son air surpris m’a confirmé que cette hypothèse était fantaisiste), soit j’avais mal compris (celle-là me parut vite être la bonne).

Il y a eu un énorme malentendu. A cause du verbe « tomber ».

C’est toujours le verbe « tomber » que nous utilisions, le docteur Foldès et moi, lorsque nous parlions des fils et de leur disparition. Sauf que nous ne l’entendions pas de la même manière.

Pour moi, quand on dit de quelque chose qu’il va tomber, à fortiori d’un fil, je visualise une chute. Dans le cas que nous étudions actuellement, je vois la chute d’un bout de fil. Je le vois quitter un point A (mon intimité, par exemple) et décrire un mouvement vertical rectiligne vers le bas, ce mouvement n’étant arrêté que par un obstacle sur lequel le fil s’immobilise au point B (le fond de ma culotte ou le sol par exemple). De fait, comme j’avais une image très précise de l’expression « les fils vont tomber », j’étais persuadée que c’était ce qui allait se passer. Les fils allaient chuter et je le verrais.

Sauf que pour le docteur Foldès, manifestement, la définition du verbe « tomber » dans l’expression « les fils vont tomber » n’est pas du tout la même. Pour lui, un fil qui tombe est un fil qui disparaît. On ne s’intéresse pas à la façon dont ils quittent les chairs, mais juste au fait qu’ils les quittent et « tomber » veut alors dire « ne plus être sur la cicatrice ».
Il a ajouté que le fait qu’il n’y ait pas de rendez-vous prévu dans le protocole de la reconstruction clitoridienne pour retirer les fils montrait bien que les fils étaient résorbables.

Certes, c’est vrai. Mais je n’y avais pas pensé.

Sur le chemin du retour, j’étais partagée entre incrédulité et envie de rire. C’était abasourdissant, cette nouvelle. Et puis, dans le RER qui me ramenait vers Paris, j’ai été contente. Il n’y avait plus de fils. Tout était terminé et je pouvais définitivement clore le chapitre de ma cicatrisation.

En réalité, ça faisait quand même des semaines qu’il était clos, ça faisait des semaines que j’hésitais à aller voir le docteur Foldès pour me tranquilliser l’esprit. Alors bon, savoir que la fin de ma cicratisation était déjà loin derrière moi a fait que ma joie fut quand même modérée.

Ce soir, j’ai relu le document qu’il m’a remis le lendemain de l’opération et qui s’intitule « Suites immédiates de la chirurgie réparatrice du clitoris ».

Et il est écrit : « Les fils de suture utilisés sont résorbables, il n’y a donc pas besoin de les faire enlever, ceux-ci tomberont d’eux-mêmes dans les cinq à six premières semaines».

Alors d’accord, d’accord, j’avais totalement zappé le mot « résorbables » mais j’avais retenu la phrase « ceux-ci tomberont d’eux-mêmes dans les cinq à six premières semaines ». Et cette phrase veut bien dire ce qu’elle a l’air de dire, non ?

Moi je dis que oui : elle a l’air de dire que les fils vont se détacher tous seuls. Et tomber.

J’ai donc passé des semaines à attendre que tombent des fils qui s’étaient volatilisés depuis belle lurette.

Voilà le fin mot de l’histoire.

lundi 15 octobre 2007

Finalement, le désert ne me convient pas...

Je suis revenue.

Soudain je n’ai plus eu envie d’écrire. Et soudain j’ai eu envie de nouveau. Alors je suis revenue.

Soudain, je n'ai plus eu envie de me dire. Soudain, c’est devenu un effort. Un effort de plus en plus lourd. Les jours passaient et je n’écrivais pas. Les jours passaient et je m’en voulais de ne plus rien écrire. Même pas un adieu, ni même un au-revoir.

Ça faisait un moment que je me demandais quand j’allais clore ce blog. Je n’arrivais pas à me décider. Où devait se terminer ce chemin-ci ? Avait-il une fin, d’ailleurs ?

Les jours passaient et je ne décidais rien. Les jours passaient et je culpabilisais. Les jours passaient et, pour finir, j’ai arrêté de culpabiliser. J’ai arrêté de chercher une raison à ma perte d’envie. Je me suis dit que c’était la vie. Parfois on a envie et soudain, on n’a plus envie. Je me suis dit que ce blog devait peut-être s'arrêter comme ça, abruptement et sans crier gare.

Puis l’une des lectrices de mon blog s’est fait opérer par le docteur Foldès. Nous avions beaucoup correspondu avant sa décision. A l'approche de son opération,nous avons discuté au téléphone. Je suis allée la voir à la clinique, je l’ai appelée après son opération. Et de l’accompagner un peu sur son chemin m’a procuré une joie que je n'imaginais pas.

C’est là que j’ai compris ce qui m’avait rendue muette depuis le mois d’Août.

J’ai douté.

C'est fou, je sais, mais j’ai douté de l’efficacité de mon opération, j’ai pensé que j’avais peut-être couru après une chimère, que cette opération ne servait à rien, en fait. J’ai pensé que je m’étais bercée d’illusions, qu’en réalité, ça ne changerait rien à ma vie.

Je ne peux pas vraiment m’expliquer comment c’est arrivé, comment cette idée s’est frayé un chemin dans mon esprit.

Sans doute la réaction de mon ex-gynécologue y est-elle pour quelque chose. « Au fond, c’est juste esthétique, cette opération, non ? » m’a-t-elle dit. Elle n’a pas semblé intéressée par ma démarche, j’ai eu l’impression qu’elle l’avait trouvée grotesque. J’ai pleuré en sortant de son cabinet.

Sans doute la découverte que le docteur Foldès m’a dit la même chose qu’à nombre de ses patientes a-t-elle également pesé dans la balance. Ça m’a fait de la peine de penser que je n’étais finalement qu’un numéro parmi d’autres, une énième patiente à qui dire que son clitoris était superbe, une énième patiente à qui débiter un discours rôdé de longue date, selon l’étape qu’elle abordait.

J’en suis venue à croire que toute cette aventure n’avait aucun sens, que mon clitoris ne fonctionnerait jamais « normalement ». Qu’il fallait tourner la page et ne plus y penser.

Mais finalement, je n’en ai pas envie. Finalement, je me fous de la réaction de mon ex-gynécologue. Finalement, peu m’importe que le docteur Foldès dise la même chose à chacune de ses patientes. Finalement, il m’appartient de décider de la valeur de ce qui s’est passé le 16 Mai dernier.

Et j’ai décidé que ça avait un sens pour moi. Je ne me laisserai plus dépouiller de cette idée. Je ne permettrai plus qu’on la piétine allègrement. Et je ne la piétinerai plus moi-même.

En rendant son sens à ma démarche, j’ai retrouvé mes mots. Alors je suis revenue.


Merci à Fifitra qui, en me permettant de l’accompagner, m’a permis de retrouver mon propre chemin.

Merci à Moïra qui m’a envoyé un si gentil e-mail pour prendre de mes nouvelles.

Merci à vous qui vous inquiétiez de mon silence dans les commentaires de mon dernier post.