mercredi 6 juin 2007

Visite de contrôle

Lors de sa visite éclair le lendemain de l’opération, le docteur Foldès m’avait indiqué qu’il fallait que je revienne le voir dans les 2 à 3 semaines suivantes. Il suffisait d’appeler le secrétariat de sa consultation pour savoir quand il était là et de se présenter, sans rendez-vous.

Lundi matin, j’ai donc appelé la clinique Louis XIV. Sa secrétaire m’a annoncé que, cette semaine, le docteur Foldès consultait lundi après-midi et mardi après-midi à partir de 14h.

Je n’avais pas du tout envie d’y aller. Tellement pas qu’au lieu de me précipiter dès le lundi après-midi, j’ai décidé de n’y aller que le mardi. Le mardi après-midi, je suis arrivée pile à l’heure et non pas au moins une demi-heure à l’avance comme j’en avais l’habitude.

En allant vers la clinique, j’essayais d’analyser ma réticence. Déjà, il y avait le fait que le docteur Foldès m’impressionne beaucoup. Et puis il y avait aussi cette autre composante que je n’arrivais pas à formuler. Tout ce que j’en saisissais, c’était que je n’avais aucune envie de rencontrer d’autres patientes du docteur Foldès.

Quand je suis entrée dans la clinique, j’ai croisé le regard d’une femme assise à la place à laquelle j’avais attendu qu’on vienne me chercher le jour de mon admission, la veille de l’opération.

Elle était noire. Et je n’ai pas pu m’empêcher de penser qu’elle était sûrement venue se faire opérer par le docteur Foldès.

Chassant cette pensée, je montais les quelques marches qui conduisaient au secrétariat des chirurgiens.

Et là, bingo, je tombe sur le docteur Iceberg. Toujours aussi expressif qu’une porte de prison, il ne m’a pas reconnue. C’est à peu près à ce moment-là qu’une boule est apparue dans ma gorge et que mon moral a commencé à vaciller sérieusement.

La secrétaire du docteur Foldès a noté mon nom dans la marge de son cahier. Du coup, je n’avais aucune idée du temps que j’aurais à attendre.

Je pensais que je serais prioritaire mais, une fois installée dans la salle d’attente bondée et étouffante, j’ai aperçu le chirurgien qui parlait à sa secrétaire. J’ai senti tout mon corps se crisper et j’ai été drôlement soulagée de l’entendre appeler un homme âgé. Finalement, je préférais passer après tous ceux qui avaient rendez-vous.

Le docteur Foldès est urologue à la base. Ça m’est revenu à l’esprit quand, par deux ou trois fois, il est venu chercher un homme dans la salle d’attente.

Pendant ce temps, la salle d’attente ne désemplissait pas, bien au contraire. Il n'y avait plus une seule chaise libre et les nouveaux arrivants se pressaient debout, le long des cabines isolant les secrétaires des chirurgiens de la salle d’attente.

En voyant apparaître des femmes noires, j’ai de nouveau immédiatement pensé qu’elles étaient des patientes du docteur Foldès. Ce qui m’a été confirmé par leur passage devant la secrétaire du chirurgien.

Une jeune femme d’à peu près 25 ans, la tête enturbannée est arrivée la première, suivie de très près par une femme d’une cinquantaine d’années. Puis une très jeune fille (elle avait l’air à peine majeure) est entrée d’un pas énergique dans la salle d’attente. Quelques minutes plus tard, une autre femme d’une vingtaine d’années est arrivée, accompagnée d’une femme qui pouvait être sa sœur ou sa copine.

Ces femmes ont sans doute été excisées elles aussi. Et elles aussi venaient sans doute faire réparer leur sexe mutilé.

Je les étudiais pour savoir à quelle étape de la longue démarche de reconstruction elles en étaient. Les dernières arrivées portaient des jeans slims et croisaient les jambes. Les deux premières portaient elles des vêtements amples mais avaient une démarche alerte. J’en ai donc déduit que soit c’était leur première consultation, soit cela faisait plus de 6 semaines qu’elles avaient été opérées et elles venaient pour un contrôle.

La boule dans ma gorge grossissait, mon moral sombrait. Je me sentais vulnérable et triste. Pour moi, pour elles. Chaque femme noire présente était vraisemblablement une femme excisée. Je trouvais ça affligeant.

Nous n’étions pas des patientes comme les autres dans cette salle d’attente. A la différence des autres, venus combattre un coup du sort, nous étions là pour réparer une abomination qui nous a été infligée par la main ou par la volonté d’un des nôtres, d’un membre de notre famille.

Et on se tapait toutes ces démarches, ces allers-retours à Saint-Germain-en-Laye, ces tiraillements, cette peur, ces angoisses, pour raccommoder notre dignité saccagée sans notre consentement.

Purée, ça m’indignait à tel point que la boule dans ma gorge a doublé de volume et que mon moral a chuté vers les abîmes de la déprime. J’avais envie de pleurer.

A ce moment-là, j’ai pensé que je voudrais bien que mes parents me demandent pardon un jour.

Perdue dans ces noires idées, j’ai à peine entendu le docteur Foldès m’appeler et je n’ai pas eu le temps d’avoir peur.

Dans son cabinet, le docteur Foldès m’a souri, ce qui m’a mis un peu de baume au cœur. Il m’a demandé quand j’avais été opérée. Il ne se souvenait pas de moi et ça m’a curieusement soulagée. J’avais très envie d’être une anonyme banale venue se faire examiner, pas une victime d’excision. Je n’étais plus une femme excisée. C’était fini.

Sur son bureau, il y avait une fiche d’information concernant une jeune femme malienne née en 1988 et excisée à l’âge de 5 ans. Ça a plombé mon moral déjà pas bien vaillant.

Il m’a demandé de monter sur sa table d’examen et de plier les jambes. Puis il a procédé à un examen rapide. « Superbe ! C’est parfait ! » a-t-il dit. Ça m’a fait plaisir, je me sentais toute fière. « Ça cicatrise bien, autant les petites lèvres que le clitoris. C’est très bien ».

Il a ajouté que c’était normal qu’il y ait un trou devant (mais quel trou au juste ? Je sens qu’il va falloir que j’explore de nouveau avec mon miroir, je ne voyais absolument pas de quoi il me parlait, là) et que ça coule encore un peu.

Il m’a recommandé de continuer à nettoyer 3 ou 4 fois par jour toute ma zone génitale avec de la Bétadine très diluée.

Puis il m’a expliqué que cette visite était une visite de contrôle, juste pour vérifier que tout allait bien. Et là, tout allait bien.

Il m’a ensuite dit qu’il fallait qu’il me revoie d’ici 3 à 5 semaines. Cette consultation serait très importante, essentielle même, car il me prescrirait alors un autre traitement.

Il m’a souri encore et mon moral a repris du poil de la bête. J’étais même assez contente et rassurée. Finalement, toutes ces galères valaient le coup…

J’ai pris rendez-vous pour le 4 juillet avant de partir.

En repartant vers la gare RER, j’étais partagée entre la joie de savoir que ma cicatrisation se passait bien et une flambée de colère contre cette mutilation.

Purée, je VEUX que mes parents me demandent pardon.

J’ai besoin que quelqu'un me demande pardon pour le mal qu’on m’a fait...

22 commentaires:

Anonyme a dit…

Contente de voir que tout va bien...
Tes parents sont, d'après ce que tu as raconté, encore dans le rejet de leur responsabilité dans ce qui t'es arrivé. Et ils n'ont peut etre pas tort, dans une certaine mesure, puisqu'ils n'ont apparement pas souhaité ce qui t'es arrivé. J'espère que tu resoudras ce problème très vite, grâce à ta thérapie peut être ?

Nono & Thomas a dit…

Coucou !
C'est bien que tout se passe bien, que la cicatrisation se fasse correctement. Je suis contente pour toi.
j'ai une question ou 2 :
- At-tu déjà exprimé ta colère envers tes parents face à cette mutilation ? Sont-ils au courant de ta colère ?
- Leur à-tu déjà dit que tu leur en veux pour ce qui t'es arrivé ?
En fait je te pose cette question parce que je me dis qu'ils ne se rendent peut-être pas compte du mal qu'ils t'ont fait. Ou encore que même s'ils s'en sont rendus compte, vu que tu as fait l'opération, pour eux, le mal est réparé et finalement leur culpabilité avec. Alors que pour toi non.
Tu devrais leur faire part de tes sentiments, plutôt que de les garder pour toi et d'en souffrir toute seule.
Qu'est ce t'en penses ?
Je sais que ça n'est pas facile, mais il faut le faire, il faut le leur dire ta colère. Et à ce moment là, tu verras leur réaction, et tu aviseras. Je pense en tout cas.
Cette colère là, il faut qu'elle sorte.
Bises papillon. Prends soin de toi.

Nono

Anonyme a dit…

Un long chemin que tu es en train de faire... Et j'espère de tout mon cœur qu'un jour ils te pardonneront même s'ils n'avaient pas souhaité cette mutilation pour toi.
Je pense souvent à toi et me demande un jour si ces barbaries cesseront?
Pour ne jamais plus que des femmes aient cette à subir cette humiliation.
Ton courage doit donner plein d'espoir à tant de femmes.
Gardes toi, sois forte, tu fais ça pour toi.

Anonyme a dit…

Je ne sais pas trop quoi te dire, si ce n'est que je pense fort à toi... Bisous

Anonyme a dit…

bonjour
je suis tombee sur ton blog en cherchant à comprendre d avantage l action du dr foldes et comment les femmes vivent ces mutilations et ces operations. Peut etre que je n ai pas trop ma place ici mais je suis infirmiere et ai l occasion de travailler souvent en chirurgie à Louis XIV,et meme si j essaye de ne pas interpeler les patientes sur ce sujet car elles sont stressees je me sens profondement concernee par ces operations .Peut etre que vous pouvez me dire ce que vous attendez des infirmieres, les choses qui vous ont choquees, les attentions que vous voudriez. c est complexe comme question car toutes les femmes sont differentes et toutes les infirmieres aussi d ailleurs mais cela pourra peut etre m aider moi personnelement à trouver les mots et les comportements justes à faire plus attention à des details que peut etre je negligeais.

papillon a dit…

Merci de partager ma joie de savoir que tout se déroule comme prévu, Sourisdansroquefort, Nono et Elene.B.
Merci aussi de penser à moi Mlle Crapaud :)

En fait, dans cette salle d’attente, j’ai pris conscience que mes parents ne m’avaient ni demandé pardon (Elene.B , est-ce cela que tu voulais dire ? Parce que c’est sûr, ils n’ont rien à me pardonner, je n’ai rien fait, moi), ni dit qu’ils étaient désolés pour moi.
Ca va au delà de la question de la responsabilité, je trouve, Sourisdansroquefort. Je suis leur fille, il m’est arrivé cette abomination et eux ne se sentent même pas désolés ?
Du coup, leurs appels me semblent bancals, il manque une partie, celle où le parent s’en veut de ne pas avoir protégé sa fille.

Mon père m’a appelée l’autre jour et m’a demandé comment allait ma convalescence puis (heureusement que j’étais assise), il m’a demandé si cette opération m’avait apporté le mieux-être psychologique que j’avais évoqué dans ma lettre. J’ai bafouillé, éludé, répondu à côté. Je m’en suis voulu pendant un moment puis j’ai réalisé que de toute façon, je n’aurais pas pu lui en parler de cet aspect psychologique parce qu’il le concerne directement. Après, et depuis d’ailleurs, j’ai ressenti une grosse bouffée de colère. C’est comme si mon père et ma mère n’étaient pas concernés au premier chef par mon excision. Alors qu’ils sont mes parents.

Purée, rien que d’y penser j’hésite entre les larmes et la rage.

Nono, je ne leur ai pas encore dit ma colère contre eux. Ton commentaire est intéressant parce que ma psy m’a elle aussi dit qu’il allait falloir que je la dise un jour, cette colère que j’éprouve, sous peine de m’empoisonner avec. Je suis d’accord, je ne veux surtout pas qu’ils considèrent mon opération comme une absolution pour eux. Mais pour l’heure, je n’y arrive pas. J’ai l’impression que c’est au dessus de mes capacités. Alors je m’approche pas à pas : je ne joue déjà plus à la petite fille gentille. Ca paraît dérisoire comme ça, mais c’est tout ce qui est à ma portée pour le moment…
Ca et le fait de garder à l’esprit que, comme tu le dis Elene.B, je fais ça pour moi…

Tu vois, Elene.B, c’est un des éléments qui m’a ruiné le moral mardi après-midi : voir ce flot continu de femmes silencieuses venues faire réparer le résultat d’une mutilation. Physiquement, c’est possible et accessible même si ça paraît un peu difficile de faire toutes ces démarches. Mais la honte, la peur et l’humiliation, chacune doit se débrouiller pour vivre avec et ça me retourne l’estomac.

papillon a dit…

Bonjour et bienvenue Alex, j’espère que d’autres jeunes femmes opérées verront ton commentaire et apporteront aussi leur point de vue. Pour ma part, j’ai été très touchée par la gentillesse des infirmières lors de mon séjour à la clinique. Elles étaient chaleureuses et naturelles. Le plus important pour moi a été qu’elles n’ont pas montré de pitié ou de commisération mal placée. J’étais là pour une reconstruction, pour quitter ce statut de victime d’excision et d’être traitée « normalement », ça m’a fait un bien fou. Honnêtement, rien ne m’a choquée du tout dans leur attitude. Au contraire, je ne voulais surtout pas de traitement de faveur, je voulais être une patiente comme une autre…
Si tu as d’autres questions, écris-moi donc à papillonblog@gmail.com, je serai ravie d’y répondre et je transmettrai aux autres jeunes femmes avec qui je suis en contact.
En tout cas, merci beaucoup de ta démarche, elle est admirable et a tout à fait sa place ici.

Anonyme a dit…

je ne sais que dire, parce que n'ayant jamais vécu une situation approchante, mais toutes mes pensées vont vers toi.
Tant mieux si tout se passe bien niveau physique, je te souhaite que tout aille mieux côté moral.

Anonyme a dit…

Les parents... décidément, on a tous quelque chose à leur reprocher.
Je pense que tes parents à leur façon t'encouragent dans ta reconstruction. En tout cas ils semblent avoir approuvé ton opération. C'est déjà un point, mais pas assez.
Je comprends que ta reconstruction doive passer par leurs excuses, et aussi des explications sur l'histoire de vos excisions, à ta soeur et toi. Si tu n'es pas convaincue par leur version des faits, c'est qu'il manque encore des informations, des paroles, des manifestations de leur part.

Parler, parler, parler, au risque d'en devenir fous!!
Et sans doute le deviendrez vous, car ta souffrance, additionnée au déni de trente ans de tes parents va conduire à un tourbillon sans doute plus douloureux que ton opération.
Mais parler c'est le seul moyen de comprendre et de pardonner.

Tu as raison quand tu dis "J’ai besoin que quelqu'un me demande pardon pour le mal qu’on m’a fait...": ce sera le dernier chapitre de ta reconstruction, et tu écris si bien que je voudrais lire l'épilogue de cette histoire :-)

Je te souhaite un énorme courage, surtout que, d'après ce que j'ai compris, la communication n'est pas le point fort de votre famille...

papillon a dit…

Merci Millie.
Elté, ton analyse de la situation est très pertinente. C’est vrai que j’ai besoin de plus que d’encouragements, j’ai carrément besoin qu’ils me demandent pardon. Et comme tu l’as bien deviné, ça ne va pas être facile, le mutisme ayant plus souvent cours que la parole, dans ma famille.
Pffff… Ca va même être une énooooorme épreuve, je pense. Mais je crois moi aussi que ma reconstruction passe par une confrontation avec mes parents. Alors merci pour ce courage que tu me souhaites, je vais en avoir drôlement besoin…

Anonyme a dit…

Coucou, Papillon !
C'est sûr que maintenant que tu es réparée physiquement, il faut que le mental le soit aussi... et pour ça, je pense que la phase "colère" est très importante, et ne pouvait s'exprimer à fond QU'APRES la réparation. Je me trompe ?
Tu as besoin maintenant que cette colère (bénéfique, je pense) débouche sur la demande de pardon de tes parents, suite logique et point d'orgue de ce long cheminement...
Le problème, c'est que ça, ça ne dépend plus de toi, et qu'il faut qu'à leur tour ils fassent preuve d'autant de courage que toi...
Je te le souhaite de tout coeur ! Gros bisous :o)

papillon a dit…

C'est très juste ce que tu dis Christine. Je ne me sentais pas en colère contre mes parents avant l'opération. Alors que maintenant, je bouillonne. Comme si c'était une étape après l'autre...
Je déjeune en famille ce week-end. On verra bien comment mes parents vont agir.
En même temps, je suis à peu près sûre qu'il faut que JE leur dise ma colère, que je sois actrice de la confrontation. Comme si d'être passive et d'attendre qu'ils me demandent pardon ne suffirait pas...

Cornélie a dit…

Bonjour Papillon,

Je suis heureuse de lire que tout suit son cours au niveau de l'opération...

Ta colère est saine et légitime!
Lorsque tu auras pu l'exprimer à tes parents (et peut-être que par écrit c'est plus facile! ) la balle sera dans leur camp... Après, je ne connais que le '' lâcher prise '' qui permette de vivre sereinement, surtout s'ils restent un temps dans le déni...
Je souhaite pour toi qu'ils soient capable d'entendre et qu'ils reconnaissent leur responsabilité dans la non-protection de ton enfance.

... et ta grand-mère, est-elle toujours en vie?
Si elle ne l'est pas, une lettre ''symbolique '' peut -être aussi très efficace pour évacuer toute cette colère...
Bon courage petite soeur ;-)

lalita a dit…

Bonsoir papillon.
Je lis mais n'écris pas car je ne sais quoi te dire, et donner des conseils n'est pas mon fort. Surtout pour des cas comme celui-là !
Mais une chose est sure, c'est que tu as un cheminement clair et logique alors si je peux me permettre : va !
Je suis derrière, solidaire et amicale.

papillon a dit…

Merci Cornélie. Je sais que mon parcours passera par l'expression de ma colère. Peut-être que je me l'impose inutilement mais je voudrais passer par des mots oraux et pas écrits. On verra lorsque je pourrai le faire.
Crois-tu qu'on peut lâcher prise sans avoir dépassé cette colère?
Ma grand-mère est morte il y a quelques années. C'est étrange d'ailleurs parce qu'à l'époque, je pensais que c'était mon autre grand-mère "la méchante" et lorsque ma grand-mère paternelle est décédée, je n'ai rien ressenti, comme si ça ne me concernait pas du tout. J'avais dit à mon père "je suis désolée pour toi d'avoir perdu ta mère". Et c'était tout.
La lettre symbolique est une bonne idée, je me la garde au chaud.

Merci de ta gentillesse Lalita. Elle me va droit au coeur.

Cornélie a dit…

Bonjour Papillon,
... J'ai vécu une expérience similaire (au sujet du pardon ) il y a quelques années.
Après avoir envoyé une lettre à mon père, il n'y a eu que du déni et de l'indifférence.
J'attendais comme toi qu'il reconnaisse les faits et s'en excuse, je l'espérais beaucoup, surtout que je me sentais prête à pardonner... mais rien...
Les années ont passé, la colère est tombé peu à peu, c'est un long processus de guérison des blessures...
10 ans après la lettre, je n'ai revu mon père que quelques heures avant sa mort. Il ne pouvais déjà plus parler, mais était toujours lucide... J'ai pu lui dire que je n'étais plus en colère contre lui (et c'était vrai), que je l'aimais et que je remercier de m'avoir donné la vie...
Ce pardon '' offert '' m'a fait un bien fou...
C'est juste un témoignage...
J'ai trouvé que d'être entouré de personnes qui me croyaient et qui me soutenaient me permettaient de vivre la douleur d'être coupé de mon père.
Parfois, il faut faire face à l'indifférence des proches, c'est dur... mais ça ne doit pas nous détruire!
Tu es drôlement courageuse de vouloir confronter tes parents face à face!

Anonyme a dit…

Hello Papillon... je me suis précipitée, sans relire, je voulais dire bien entendu: "qu'ils te demanderont le Pardon"...
Ce que je me demande, "c'est que dans cette pratique ancestrale et barbare, comment des personnes de la génération de tes parents la considèrent-ils ?
Sont-ils capables de dire que cela ne doit plus se pratiquer, que c'est une véritable mutilation du corps et de l'esprit."
Seraient-ils encore capable de le faire ? au non ce ces satanées croyances ?

Je suis curieuse de comprendre.

"Ce qui n'est pas nommé n'existe pas..."

Bien à toi...

papillon a dit…

Ton histoire est très émouvante, je trouve Cornélie. Le vrai courage n'est-il pas dans le pardon? Je pose la question parce que le pardon n'est pas quelque chose que j'envisage, moi.
J'ai ce sentiment qu'il faut que je confronte mes parents face à face, pour ma propre estime de moi-même, pour me prouver que j'ai une valeur intrinsèque en quelque sorte. Sauf que je n'y arrive pas, pour le moment...

Je me pose les mêmes questions Elene.B. Mes parents sont tellement inexpressifs sur la question que je n'arrive pas à deviner leurs sentiments. Certes, les deux ont fait allusion à "l'aspect psychologique", ma mère quand elle a reçu la lettre, et mon père un peu plus tard, mais l'un et l'autre avaient juste l'air de reconnaître que l'excision avait un impact sur le psychisme de ses victimes. Ils n'ont pas condamné cette pratique devant moi. C'est désespérant.

Anonyme a dit…

Je me dis que ta lettre, ton billet mériterait d'être publié dans un grand journal, lu par plein de monde, ici en France, et même peut être en Afrique (enfin là je ne peux pas juger je ne suis pas Africaine !) mais ici en France oui.
Que ce soit bien écrit à la tête du journal.
Oui, c'est toi qui doit te "taper" les démarches, la souffrance, le boulot, l'adaptation, les questionnements et les soins, etc.
C'est bien d'avoir du courage mais il faudrait que ce soit mieux dit, médiatisé par la société, et aussi que cela aide à faire reculer l'excision, bien sûr...

papillon a dit…

Faire entendre la voix des victimes Emelire ? Oui, je suis d’accord. Parce que pour le moment, à part quelques femmes, on n’entend pas les victimes parler de ce qu’elles endurent et de ce qu’elles doivent faire pour réparer cette mutilation qui leur est infligée. Peut-être que ça aurait plus d’impact ? Autant ici qu’en Afrique.
Ca me rappelle la si juste phrase d’Elene.B : « Ce qui n’est pas nommé n’existe pas… ». La souffrance des victimes n’est que très rarement évoquée dans la lutte contre l’excision. Je ne parle pas de la souffrance au moment de la mutilation, je parle de celle qu’on traîne ensuite derrière soi comme un boulet. Toute sa vie parfois. Cette souffrance-là, beaucoup ne doivent pas en avoir conscience.

Anonyme a dit…

Il y a un jour dédié à la lutte contre l'excision au plan international (enfin tu es probablement au courant), c'est début février, le 7 ou le 8, mais en France on n'en parle pas ou très peu dans les médias. C'est dommage. C'est des jours comme ça (et tu me diras dans l'idéal, tous les autres jours bien sur) qu'on devrait parler du courage qu'il faut à des gens comme toi pour réparer. Le chirurgien accomplit un geste technique et humain, et toi tu dois vivre tous ces passages là, avant, et après, ...

papillon a dit…

Oui Emelire, cette année, c'était le 7 Février et il n'y a eu qu'ARTE pour y consacrer un théma. Sinon, c'est passé quasi totalement inaperçu :(
c'est vraiment dommage qu'on ne mette en avant que les associations ou le docteur Foldès. Leur travail est précieux et il ne faut pas l'occulter, bien évidemment. Mais je crois qu'il faudrait faire une place aux mots des victimes. Encore que, j'y pense maintenant, peut-être que la pauvreté en témoignages de victimes est due au fait que très peu sont disposées à aborder le sujet.