Les choses ont franchement évolué par ici.
Mon clitoris a rétréci. Littéralement. Finalement, je m’inquiétais pour rien. Au fil des jours et des applications de JONCTUM, il a régulièrement perdu en volume jusqu’à atteindre la taille discrète d’un bouton de rose.
En outre, il est maintenant entièrement brun, comme le reste de ma peau.
Et pour couronner le tout, les sensations douloureuses sont en voie de disparition. La seule zone encore sensible est située à l’avant, là où il y a les fils. Parce que oui, ces satanés fils sont toujours solidement en place. Ca m’agace drôlement d’ailleurs. Pourtant, pratiquement quatre semaines se sont écoulées depuis ma dernière consultation à la clinique Louis XIV et les fils auraient dû tomber il y a bien deux semaines.
Pfff…
Enfin, je patiente, je patiente. Je deviens une championne de la patience, même.
Malgré ces bonnes nouvelles, j’ai été assaillie par mille pointes de culpabilité ces dernières semaines.
Chacune de ces pointes me parlait de la frustration de mon homme. J’y pensais d’autant plus que mon clitoris était pratiquement cicatrisé, ce qui ne me laissait aucune excuse, aucune justification pour ne pas reprendre la question sexuelle là où je l’avais laissée.
Mon chéri me serinait qu’il préférait que je patiente, qu’il voulait attendre que je sois prête dans ma tête aussi. Et moi, je me sentais mal de le faire attendre.
Ca faisait si longtemps qu’on n’avait pas fait l’amour que j’avais du mal à le croire quand il me jurait qu’il ne m’en voulait pas de cette si longue abstinence. Sept semaines et demi d’attente sereine? Non, je n’y croyais pas une seule seconde. Je pensais qu’il disait ça par gentillesse, par amour ou que sais-je et qu’il m’épargnait son insatisfaction.
Il a dû me répéter encore et encore que, bien que faire l’amour lui manquait, il voulait que nous profitions tous les deux de nos ébats et que pour cela, il était prêt à attendre longtemps s’il le fallait. Il a dû le répéter parce que ça ne correspondait pas à ce que je croyais savoir des hommes.
Pour moi, un homme a envie de faire l’amour tout le temps. Et si sa partenaire est indisponible trop longtemps, et bien il s’en va voir ailleurs. Ca paraît simpliste mais il m’est apparu que c’est exactement ce que je pensais. Bien sûr, un homme amoureux patiente trèèèèèèès longtemps, mais quand même, ce que je crois, c’est que sans sexe, point de salut !
Alors plus de deux mois d’abstinence, c’est l’antichambre de la rupture dans mon esprit!
Il m’a fallu beaucoup de temps pour faire vaciller cette croyance. Et en attendant, je me fabriquais une petite angoisse dont il faudra que je parle à ma psy à son retour de vacances.
Ce que révèle cette peur d’être quittée pour défaut de sexe, c’est la prééminence du plaisir de mon homme dans mon esprit. Jusqu’ici, ses besoins, envies et son rythme ont plus nourri notre vie sexuelle que les miens. Ma libido faiblarde se contentait de peu et se nourrissait beaucoup de l’envie de lui faire plaisir.
En poussant le raisonnement plus loin, je dirais que j’étais « à la disposition » de mon homme. Ne pouvant lui faire plaisir pendant ma cicatrisation, j’avais la sensation de manquer à mon devoir, d’être prise en défaut.
Triste constat de la réussite complète de l’excision que j’ai subie : je suis une femme docile, sexuellement soumise au désir masculin. J’avais, et j’ai toujours, l’esprit braqué sur les besoins sexuels de mon homme, niant totalement les miens.
Ca me rappelle ma voisine de chambre à la clinique qui me disait que son mari, qui travaille en province, ne comptait pas revenir à Paris avant les six semaines de cicatrisation annoncées. Elle trouvait ça normal : «On ne peut pas faire l’amour alors bon… à quoi ça sert qu’il vienne?». Sur le moment, j’ai trouvé ça abominable. Ca m’a choquée, pour dire le vrai.
Et maintenant, je me rends compte que je pense comme elle, au fond.
Je suis convaincue que c’est une vision des choses qui découle du fait d’avoir été excisée et de la sexualité qu’on a ensuite, une fois adulte.
Ma docilité en matière sexuelle, ma subordination au désir masculin, voilà ce qui s’est lentement tricoté dans ma tête depuis mon excision.
Ca me fait monter les larmes aux yeux, cette idée. Ca me met dans une colère noire et en même temps, ça me rend triste.
Alors c’est tout ce que ma mère voulait pour moi? Que je sois soumise à un homme? Que je sois sa chose sexuelle? C’est cet avenir de femme-là qu’elle a choisi pour moi? Ou alors elle n’y a même pas réfléchi? Après tout, si elle est excisée elle-même, c’est peut-être des questions qui ne lui viennent pas à l’esprit tellement il lui semble normal de n’avoir aucune prérogative sexuelle quand on est une femme?
Je suis écœurée. Je n’ai même pas envie de les poser ces questions. Je n’en peux plus de découvrir à quel point l’excision est une tragédie pour ses victimes.
Je sens que j’ai encore bien du chemin à parcourir avant de m’épanouir. Des kilomètres, même. Le prix à payer pour réparer les pots cassés me parait lourd, très lourd. Purée, ça m’énerve à un point, ce constat!
Mon homme m’a proposé d’aller consulter un sexologue, dans quelques mois, « pour apprendre à bien faire l’amour ». C’est une bonne idée, je crois. Parce que même si nous avons repris nos ébats (pianissimo, cette fois, on a retenu la leçon) et que ça se passe relativement bien, je me rends compte que je ne sais pas, au fond, comment on fait bien l’amour…